vendredi 30 octobre 2009

Enlèvements

18 mai (suite)

Nous avons fini de manger la pomme et nous sommes retournés danser. J’étais contente qu’Uvi se laisse faire. J’avais vraiment de passer du temps seule avec lui. Il se demandait si nous faisions bien de laisser l’elfe avec les autres. Je ne pensais pas qu’ils risquaient de lui faire du mal, seulement de lui faire peur. Uvi n’était pas certain que nous puissions faire confiance à Étienne. Je pense qu’il lui en voulait encore pour les coups. La seule façon d’éclaircir la situation sera de lui demander pourquoi il a fait ça. S’il sort une raison trop exagérée, nous saurons qu’il ment. Nous avons continué à danser jusqu’aux petites heures du matin, quand Uvi a décidé que c’était assez et qu’il m’a traînée jusqu’à la grange pour que nous allions dormir.


19 mai

Quand Uvi m’a brassée pour me réveiller le lendemain matin, je me sentais si bien que je lui ai demandé de m’accorder encore cinq minutes. Je l’ai taquiné en lui disant «s’il te plaît maman», alors il m’a assise en me disant que j’avais perdu mes cinq minutes à cause de ça. La prochaine fois, je devrais trouver quelque chose de sexy et de grandiose. Mmmm… How about «S’il te plaît mon beau Uvi, encore cinq minutes»?

Étienne est entré dans la grange et il s’est mis à nous mimer qu’il était temps de partir. Hier soir, Beloss et Leo (l’elfe) lui ont demandé de ne plus parler. Ben là… Quand il est parti, je lui ai couru après jusqu’à l’extérieur de la ville. Je l’ai supplié de parler pour ne pas me laisser seule avec les sarcasmes de Beloss. Je préférais de beaucoup les siens. Il a fini par accepter, mais quand il serait seul avec moi, et seulement parce que j’avais des beaux yeux. Euh, merci…

J’étais assez contente qu’il me parle, alors je me suis permis de le taquiner un peu. Je lui ai dit que je ne faisais pas partie du club anti-Étienne et que même si ça déplaisait à Uvi, j’avais envie de lui parler. Tant qu’à parler de mon ami, je lui ai demandé pourquoi il l’avait frappé. Il m’a répondu qu’Uvi se débattait trop et qu’il ne voulait pas qu’il se vide de son sang. Ça a du sens. Il ne me reste plus maintenant qu’à faire comprendre à Uvi qu’il y avait des circonstances atténuantes.

Étienne s’est aussi permis de me taquiner, sous-entendant que j’avais des images d’Uvi en tête et comme quoi c’était mon petit ami. Je n’ai pas eu de mal à nier qu’Uvi était mon copain, mais quand je me suis mise à dire que je ne pensais pas à lui, j’ai eu l’air plutôt pathétique. Je n’y peux rien si je ne sais pas mentir. Comme je ne pense qu’à Uvi ces jours-ci, mon mensonge devait avoir l’air très pathétique. Étienne m’a dit que c’était une qualité de ne pas mentir.

Nous avons continué à discuter un moment. Nous avons entre autre parlé de nourriture. Je lui ai fait comprendre que moi +faire la cuisine n’était pas une bonne idée, alors il m’a demandé quelles étaient mes préférences alimentaires. Il m’a aussi demandé si un jour je pourrais lui parler de ce que les filles elfes aimaient, au cas où il s’éprendrait d’une elfe. Ça ferait une bonne discussion autour, qu’il a dit. Écoute, je veux bien t’aider, mais je ne suis pas une référence. Je suis une fille elfe, alors je peux te dire ce que moi j’aime, mais c’est tout.

Avant que nous repartions, Étienne m’a suggéré de dire aux autres que nous aurions besoin d’un bateau, que j’aurais l’air intelligente en disant ça. D’accord, je veux bien, mais comment je suis censée insérer ça dans la conversation? «Salut tout le monde! Comment ça va? En passant, on va avoir besoin d’un bateau»! J’espère qu’Étienne sait ce qu’il fait…

Quand nous sommes arrivés en vue de la ville, je me suis mise à faire semblant d’essayer de convaincre Étienne de parler. Nous sommes tombés sur Beloss, qui était en train de faire boire les chevaux, et sur Uvi, qui n’était pas content du tout qu’Étienne soit avec moi et encore moins qu’il me pate. Ce n’est quand même pas un fou furieux dangereux, je ne risquais rien. Nous avons aidé Beloss à ramener les chevaux au bateau et quand nous sommes arrivés, j’ai tout de suite suggéré aux autres que nous aurions peut-être besoin d’un bateau. J’ai eu droit à des regards bizarres et à plusieurs «Où veux-tu qu’on trouve un bateau?» et «On verra le moment venu». Étienne s’est royalement foutu de ma gueule. J’espère qu’il savait de quoi il parlait, parce que je ne veux pas avoir passé pour une idiote pour rien.

Nous avons voyagé toute la journée et quand nous sommes arrivés devant le cours d’eau, nous n’avons pas eu le choix de nous arrêter : il était beaucoup trop large et le courant était trop fort pour que nous arrivions à passer. Nous avons décidé de dormir sur la rive. Peut-être que le sommeil nous porterait conseil…? J’ai commencé à chercher des petits fruits et des racines pour Uvi et pour moi, mais aussi pour Étienne. Je le trouvais plutôt sympathique, alors j’avais envie de me montrer amicale envers lui.

Après que j’aie trouvé des petits bouts d’écorce en guise d’assiette, je suis allée voir Étienne. Il avait l’air plutôt content de ce que j’apportais et il m’a proposé en retour de partager son poisson avec moi. J’appréciais l’offre, mais j’ai dû décliner. D’où il était Uvi lançait des regards à tuer à Étienne alors ce dernier, qui refusait toujours de parler, a commencé à faire des signes de tête en sa direction en plus de faire des drôles de signes avec ses sourcils. Je ne comprenais pas du tout ce qu’il voulait dire alors il m’a fait un dessin. Sur le dessin il y avait des bonhommes allumettes qui représentaient Étienne et moi en train de nous embrasser et Uvi qui grognait dans son coin en nous regardant. Euh… non, je ne vais pas t’embrasser pour qu’Uvi grogne. En fait, je ne vais pas t’embrasser tout court. Étienne a fait semblant d’être déçu et il a ensuite suggéré, toujours en mimant que j’aille sauter sur Uvi pour l’embrasser. Euh… Je ne peux quand même pas faire ça… Je suis si gênée que je n’arrive pas à trouver les mots pour lui dire qu’il me plaît alors…

Je suis restée encore un peu avec Étienne et j’ai même déconné un peu avec lui. Ça a été plutôt amusant de faire semblant de l’empêcher de couper sa langue avec ses doigts. Mais quand je suis retournée voir Uvi, il m’a dit qu’il n’aimait pas me voir déconner avec Étienne. J’aurais voulu lui expliquer en détails ce qu’Étienne m’avait dit, mais Maël est arrivée pour me demander si je voulais me joindre à Lena et à elle pour me laver. Un bain me ferait le plus grand bien, alors j’ai accepté. Quant à Uvi, il est parti rejoindre William pour faire la même chose.

Même si je n’étais entourée que de femmes, ça me gênait de me déshabiller devant elles et encore plus d’être toute nue devant elles. Je suis donc allée un peu plus loin pour enlever mes vêtements. J’ai mis des sous-vêtements propres, je me suis entourée d’une serviette et j’ai commencé par laver mes vêtements. Ce n’est qu’après les avoir étendus sur des roches que je me suis lavée.

Quand j’ai entendu le rire la première fois, j’ai cru que j’avais des hallucinations. Quand je l’ai entendu une deuxième fois, je me suis demandée d’où ça venait. J’ai aperçu dans l’eau ce qui semblait être des yeux. Je n’étais pas très rassurée alors je me suis reculée. J’ai alors entendu un soupir qui me semblait triste. Je ne me sentais pas assez brave pour investiguer sur le sujet, mais comme Maël était restée, j’ai décidé de le faire aussi… bien cachée derrière elle. Ce que j’ai aperçu dans l’eau était un poisson multicolore avec des bras. Quand il était seul je l’ai trouvé mignon comme tout, mais quand ses congénères ont décidé de se joindre à lui, j’ai choisi d’aller me rhabiller.

Ils nous ont suivies Maël et moi (Lena était déjà retournée sur la berge) et ils nous ont entourées. J’ai seulement eu le temps de mettre ma tunique verte, car après que j’en aie paté un, ils se sont pressés autour de moi et ont tenté de m’arracher des mains mon linge. C’est à ce moment-là que les choses se sont drôlement gâtées. Les trucs mignons n’étaient plus mignons du tout. Ils ont ouvert leurs gueules très grandes et ils se sont mis à nous attaquer. J’ai choisi d’envoyer un message à Étienne (comme il était plus près de moi qu’Uvi) pour qu’il vienne nous aider. Mes performances au combat n’étant pas ce qu’il y a de plus impressionnantes, j’ai à peine eu le temps de commencer à chanter que je tombais dans les pommes.

Quand je me suis réveillée, Étienne, Beloss, Leo et James étaient là. Je n’apercevais pas Uvi, mais je n’en ai pas fait grand cas jusqu’à ce que j’entende quelqu’un dire que William était rendu au fond de l’eau. Une minute… Uvi était avec lui… Quand j’ai demandé où mon ami se trouvait, j’ai d’abord eu des réponses plutôt vagues, puis Beloss, plein de compassion comme d’habitude, a simplement dit qu’il était sans doute aussi mort noyé au fond de l’eau. Quoi?! Ça ne te tenterait pas de me dire ça une autre fois encore plus gentiment? Compatir au malheur des autres, tu connais? Je ne veux pas qu’Uvi soit mort… Muuu… Il ne peut pas être mort, pas maintenant. Je ne lui ai pas encore dit à quel point je tenais à lui… Muuu…

Maël a fait du bon travail pour ce qui est de me rassurer. C’est vrai, ce qu’Uvi voudrait le plus, c’est que je sois en sécurité. Nous allons aller les chercher William et lui, alors il ne faut pas paniquer. Paniquer? Mais qui panique ici? Certainement pas moi! Uvi… J’aurais voulu être aussi forte que tous les autres, mais tout ce que j’étais capable de faire c’était m’empêcher d’inonder tout le monde de mes larmes. L’opération sauvetage était déjà en train de s’organiser et moi, au lieu d’y participer, je n’arrêtais pas de me répéter à voix haute que je ne paniquais pas. Même si j’avais voulu participer au sauvetage, et je le voulais, je n’aurais pas pu : je ne savais pas nager. Pourrais-je être plus pathétique? Je suis incapable de dire au garçon qui me plaît qu’il me plaît, je ne peux même pas aller le sauver et j’ai juste envie de pleurer alors que tout le monde semble si fort… Ils doivent certainement penser que je suis faible… Au moins, j’ai eu Étienne pour me rassurer. Il m’a frotté le dos tout doucement en me parlant d’une voix très calme. Il m’a dit qu’il s’occuperait de moi jusqu’à ce que mon pointu revienne. Uvi n’est pas «mon» pointu, mais si… non quand il reviendra, je vais tout faire pour qu’il le devienne…