mardi 11 octobre 2011

Moi aussi je détesterais les elfes

7 au 11 avril

La forme humaine a fini par disparaître de la vapeur. Je me suis dépêchée de m’essuyer et de mettre ma chemise de nuit. J’aurais bien voulu me cacher sous mes couvertures et y rester jusqu’à ce que mort s’ensuive, mais Maggie est revenue avec mon souper.

Dieu merci, elle n’avait pas été parler à Lemleck. Je lui ai donc demandé de ne pas le faire. Je ne suis pas certaine qu’elle ait compris mes raisons. Ça ne servira à rien, c’est tout. Lemleck va encore penser que je complote je ne sais pas quoi. Je vais encore me faire demander : C’est quoi ton plan? Je n’ai pas de plan! Je n’en ai jamais eu!

Et puis, pourquoi je voudrais sortir de ma chambre de toute façon? Pour me faire encore accuser d’être allée dans un endroit où je n’étais pas censée aller, mais où je ne savais pas que je n’avais pas le droit d’aller? Comme pour le jardin… Non Maggie, je me rappelle qu’il n’y a pas de jardin. Il n’y a plus de violon non plus… Maggie m’a dit de ne pas m’en faire : peut-être qu’à son prochain voyage, Lemleck pourrait m’en rapporter un? Et pourquoi je voudrais qu’il m’en donne un autre? Pour qu’il le détruise encore? Je préférais encore m’en passer…

Quand finalement je me suis couchée, j’ai été loin d’avoir la paix. Mon nouvel ami est revenu me tenir compagnie et cette fois-ci, il avait l’air décidé à m’empêcher de dormir. J’ai eu droit à tant de gentillesse de sa part : clés qu’il n’arrêtait pas de faire tomber, meubles déplacés, flèche tracée sur le miroir (mais elle veut dire quoi ta maudite flèche?), cheveux tirés vers le haut…

Je ne dormais presque plus. Et un des matins, je n’ai pas réussi à replacer les meubles avant que Maggie ne vienne me porter mon petit déjeuner. Elle a pensé que j’avais passé ma frustration dans le déplaçage. J’ai essayé de lui dire que ce n’était pas moi, mais je crois qu’elle ne m’a pas crue. D’accord, si vous voulez le penser. Moi et mon pas-de-force nous avons réussi à faire tourner la baignoire sur le côté. Dieu merci, j’ai eu assez d’intelligence pour ne pas lui parler du fantôme.

Finalement, au bout de quatre j’ai fini par céder. Avant de devenir complètement folle, je préférais encore aller dans l’aile ouest et me faire tuer. Donc, dans la nuit du 11 au 12 avril, je suis allée m’aventurer dans l’aile ouest toute seule comme une conne. J’ai eu horriblement peur, mais j’ai réussi à entrer sans me faire prendre.

Je suis encore sous le choc de ce que j’ai trouvé. Tout était abandonné depuis longtemps, mais l’horreur de tout ce qui y était passé était très visible. Sous les couches de poussière, je voyais les meubles brisés, toutes les flèches et le sang… Tout était séché depuis longtemps, mais quand j’ai vu l’énorme tache de sang dans la chambre d’enfant, j’ai failli être malade. Ils ont tué des enfants? Quel genre de monstres…?

À l’étage, j’ai trouvé une chambre complètement rouge, comme si tout avait été tapissé de sang. Il ne s’agissait pas juste d’une tuerie, mais carrément d’une boucherie. Si c’était des elfes qui avaient fait tout ça, ça me rendait vraiment honteuse d’en être une.

D’une fenêtre, j’ai pu apercevoir le jardin où j’avais osé m’aventurer, avec une belle vue sur la croix. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit que ça devait forcément avoir un rapport avec ce qui s’était passé dans la maison. Je comprends que Lemleck n’ait pas été content que je m’y sois aventurée. Je n’approuve pas la destruction de mon violon, mais je comprends un peu plus.

Je suis sortie de là avec deux journaux intimes qui avaient appartenus aux filles de Lemleck, Sophia et Fei. Il avait aussi deux fils : Charles et Gregory. J’ai passé le restant de la nuit à lire les deux journaux. De ce que j’ai compris, Lemleck s’était retrouvé responsable d’elfes assez importants. Deux enfants avaient disparu. Le petit garçon avait été retrouvé, mais pas le bébé. Lemleck a été convoqué. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais il n’a plus jamais été comme avant, ses yeux étaient devenus tristes. Il y a aussi eu beaucoup de membres de sa famille qui sont tombés malades (certains sont morts), dont Tibalt, qui aurait même pleuré (malade #2 aurait aussi pleuré).j’étais prête à éprouver toute la compassion du monde pour Lemleck, mais pour son frère, jamais.

Toute la famille a été déportée, à l’exception d’Hélène, qui était je crois la petite amie de Gregory. Tibalt avait réussi à trouver beaucoup d’argent pour que Lemleck puisse s’acheter une grande maison le plus éloigné possible du port, parce que c’était un endroit très dangereux. La femme de Lemleck voulait une très grande maison, parce qu’elle attendait un autre enfant.

Il a été fait mention d’une gouvernante que Lemleck était parti chercher et qui était comme eux (??). Et aussi le fait qu’ils ne pouvaient plus prendre leurs marches comme avant, qu’ils marchaient maintenant comme des elfes. En quoi la marche est-elle différente d’une race à l’autre?

La jeune Fei a parlé d’un monsieur louche (elfe?) qui rôdait. Son père et Gregory étaient bizarres et se sont disputés. Sophia a aussi parlé du monsieur louche (et aussi du fait que les elfes étaient méchants). Elle avait peur, mais Gregory ne voulait rien lui dire.

Donc, ce que je peux conclure de la situation, c’est que sous la responsabilité de Lemleck le bébé d’elfes importants a disparu, Lemleck a été puni, tout la famille a été déportée à Scion et tout le monde s’est fait tuer par des elfes (ou à cause d’elfes). Alors c’est pour ça qu’il déteste les elfes? Sa femme enceinte et ses quatre enfants ont été massacrés? Moi aussi j’haïrais les elfes. En ce moment, j’ai vraiment honte d’en être une…Je ne comprends pas pourquoi il ne m’a pas jetée par-dessus bord au début. Mais surtout, je ne comprends pas comment il a fait pour continuer après avoir tout perdu…

12 avril

Quand je me suis levée, après trop peu d’heures de sommeil, je me suis décidée à dire à Maggie qu’elle pouvait parler à Lemleck, parce que je n’osais pas le faire moi-même. J’étais plus décidée que jamais à recommencer mon opération ami-ami, mais pour ça, je devais sortir d’ici.

Maggie est partie et j’ai fini par entendre des cris et des bruits de choses qui se brisaient. Mais quand Maggie est revenue me voir, elle m’a dit que j’avais maintenant le droit de sortir de ma chambre. Quand j’ai dit que j’allais recommencer à demander à tout le monde si je pouvais les aider, elle m’a répondu que ce n’était pas à moi de faire leur travail et elle m’a suggéré d’aller aider le jardinier. Je suis donc allée l’attendre à côté à côté de ses plates-bandes. Cette fois-ci, je ne partirai pas avant qu’il ait accepté de me laisser l’aider…