mardi 28 octobre 2008

Entry 16

Cher journal,

L’odeur bizarre a fini par disparaître et l’arbre s’est desséché. Pour le plus grand malheur de Biloss, qui aurait bien voulu ramener une preuve matérielle de notre succès au seigneur McGregor. Mais comme Takeo lui a dit à quelques reprises, il devra se contenter de notre parole. Il me semble un homme très gentil et très bon, alors je crois bien qu’il nous croira sur parole quand nous lui raconterons notre histoire. Quentin a donné des potions à Takeo et à Abigail, très doucement au premier et sans ménagement à la deuxième. Quentin était blessée et ne semblait pas s’en préoccuper alors je l’ai healée. Le chemin du retour fut plutôt pénible pour moi et pour les trois autres personnes (Maël, Takeo, Abigail) qui étaient empoisonnées. Je titubais, j’avais chaud et j’avais des nausées.

Quand nous sommes arrivés à l’extrémité de la barrière, j’ai eu envie de courir pour hugger le serviteur qui nous attendait. Quand il nous a vus, il est parti en courant vers le château.
-…
Takeo semblait perplexe face à sa réaction.
-Il est sans doute parti chercher le seigneur pour qu’il fasse «click».
-Pfft!
Quentin trouvait mon explication plutôt drôle.
-Quoi? C’est vrai!
«Click» n’est pas un terme adéquat? «Sésame ouvre-toi» aurait été plus approprié?

Le seigneur est arrivé plutôt rapidement et il nous a ouvert la barrière.
-Je voudrais entendre votre histoire, nous a-t-il dit, mais pardonnez-moi, vous avez tous une mine affreuse. Je vais attendre que vous soyez soignés.
-Pas besoin d’être soignés pour raconter une histoire, lui a répondu Takeo.
-Ça me rassurerait, lui a dit le seigneur. Pépé va vous conduire à l’infirmerie. J’ai un invité et je vous rejoins.
Nous sommes allés à l’infirmerie et nous avons tous été soignés. Nous avons également reçu une potion antipoison. Elle était d’un joli bleu, mais son goût laissait beaucoup à désirer. Du coin de l’œil, j’ai vu Quentin jeter la sienne dans une plante et faire semblant de la boire.
-Et bien, aie-je commenté, on est sûrs que la plante ne sera pas empoisonnée.
Pourquoi ne pas avoir tout simplement dit que tu n’étais pas empoisonnée et que tu n’avais pas besoin de potion? À quoi ça t’a servi de faire semblant?

Une fois que tout le monde fut remis sur pied, plantes et humanoïdes compris, Pépé est revenu.
-Le seigneur ne peut pas être avec vous tout de suite, nous a-t-il dit, car il a un invité. Il m’a chargé de vous dire que vous pouvez faire le tour du château pour choisir ce que vous voulez pour vous faire dédommager. Vous pourrez lui dire à la réunion.
-Un bain ça serait bien, a dit Maël.
-Vous désirez tous un bain…? Nous a demandé Pépé.
-Oui.
De l’eau chaude et du savon… Ça sera le paradis…

Nous avons tous été conduits à des chambres avec des bains chauds et fumants. Moi je me suis hâtée de me laver et je suis restée dans l’eau à me prélasser le plus longtemps possible. Quand je suis sortie, la peau de mes doigts était complètement ridée. Il y avait une éternité que je ne m’étais pas offert un moment de détente comme ça. Je me suis changée et quand je suis sortie, un serviteur m’attendait devant la porte.
-Bonjour!
-Bonjour!
Ok… il doit attendre que je lui dise ce que je voudrais comme dédommagement. Euh… Je crois que je préférerais encore de l’argent, alors pour passer le temps jusqu’à la réunion…
-Vous pourriez m’emmener à la bibliothèque?
-Bien sûr!
J’aurais pu faire une tentative moi-même, mais je n’y serais jamais arrivée.

Je n’avais pas remarqué la dernière fois à quel point il y avait beaucoup de livres. Ouh… Si je n’avais pas une mission à accomplir, je crois que je demanderais au seigneur de m’engager comme aide-bibliothécaire. Cet endroit est parfait pour moi. Ajoutez des Harlequin et ça serait le paradis.
-Ça vous ennuie si je fais le tour? Aie-je demandé au serviteur.
-Pas du tout! Prenez votre temps!
Je me suis promenée entre les rayons, effleurant doucement les reliures des livres. Histoire, religion, cuisine… Il semblait y avoir de tout (sauf des Harlequin). Au détour d’une rangée, j’ai aperçu Quentin qui était assise plus loin dans un fauteuil de lecture, avec un énorme livre. Je me suis approchée et je me suis penchée par-dessus son épaule pour voir ce qu’elle lisait avec tant de concentration. Il s’agissait d’un livre d’histoire écrit en sylvestre, qui parlait entre autre de la grande guerre qui s’était déroulée il y a vingt ans.

Avant qu’elle ne se retourne et ait une crise cardiaque en me voyant, je l’ai saluée.
-Salut!
-Salut!
-…Écoute, aie-je commencé, si tu as un peu de temps, tu pourrais m’apprendre un peu d’étiquette?
-…Quelques notions de base, mais je doute que ça soit utile à votre univers.
-Mon univers?
-…Vous êtes noble.
-Pour l’instant, mon univers est le tien et celui de tout le monde.
-C’est un fait. Mais pourquoi vous voulez savoir ça?
-…J’ai un peu skippé mes cours d’étiquette dans le temps…
(Et comme tu sembles être connaisseuse en la matière, je me dis que ça ne pourrait pas me faire de tort d’en savoir le plus possible. Comme ça, je serai plus sûre de ne pas faire de bêtises la prochaine fois que nous rencontrerons un seigneur.)
-D’accord, mais je ne sais que ce que mes parents m’ont appris.
-Ça serait quand même bien.
-Et bien je suppose que ça pourra vous servir quand vous retournerez à votre vie d’avant.
-Comme a souvent dit ton frère : vous avez été vus avec nous! Vous allez mourir!
-Il y aurait une solution…
-Une solution?
-Et bien, si vous restez avec nous, vous allez être tuée. Si vous retournez à votre vie d’avant, vous allez être tuée parce que vous avez été vue avec nous. Mais si je disparaissais…
-Euh…
-Ou si j’étais tuée… Ou si j’étais enlevée comme mon frère…
-On irait te chercher comme ton frère! En tout cas, moi j’irais…

Pourquoi tu souris? C’est amusant ce que je dis?
-…Je peux vous poser une question personnelle?
-…Bien sûr.
-Hypothétiquement, pas nécessairement avec mon frère, mais… Un jour, vous voulez vous marier et avoir des enfants?
-…Je suppose…
-C’est bien.
(Ce n’est pas dans mes plans d’avenir immédiats, mais si je trouve l’homme qui me convient…)
-Bon… Je vais te laisser…
Je suis retournée me promener. Je ne vais pas lui mettre de pression et je ne voudrais surtout pas qu’elle pense que je veux passer du temps avec elle pour scorer des points auprès de son frère. Je suis certaine que ça ferait plaisir à François qu’on s’entende bien, mais ce qui me motive vraiment, c’est que je la trouve sympathique. Je pense qu’on pourrait bien s’entendre (j’aimerais beaucoup en tout cas). Et elle me semble plutôt seule. Je voudrais juste combler sa solitude, non pas par pitié, mais… J’aimerais lui montrer le monde à travers mes yeux, lui donner un peu d’espoir… Et je dois avouer que moi aussi je suis un peu seule. J’ai laissé derrière moi tous les amis que je pouvais avoir. Plaisanter, rire, papoter avec une amie… I’d like to have that again.

Mais ce que j’aimerais par-dessus tout en ce moment, c’est retrouver François et commencer véritablement à sortir avec lui. Parce que là, il n’est mon petit ami que dans les mots et pas dans les faits. Je m’ennuie beaucoup de lui, mais je m’inquiète encore plus. J’espère qu’ils ne lui feront pas de mal. Si jamais ils osaient… Je crois que pour la première fois de ma vie je me fâcherais vraiment et je foncerais dans le tas. Comme pour s’accorder à mon humeur, le sol s’est mis à trembler et une explosion s’est fait entendre. Ça m’a non intriguée, mais surtout inquiétée. J’ai donc couru jusqu’au lieu du désastre. Tout le monde avait eu la même idée. Des objets étaient tombés un peu partout dans la pièce en question et un elfe aux cheveux noirs était étendu par terre, inconscient. Des serviteurs nous ont cependant dit qu’Abigail et la pixie s’étaient aussi trouvées dans la pièce. Mais d’elles, il n’y avait aucune trace nulle part. J’aurais dû me douter qu’Abigail était derrière tout ça. Il n’y a qu’elle pour foutre le bordel comme ça.

Dès que le seigneur est arrivé sur les lieux, l’elfe a été transporté à l’infirmerie. Quant à nous, nous étions prêts à raconter notre histoire.
-Pardonnez-moi, nous a dit le seigneur, mais vous ne vous inquiétez pas pour votre compagne?
-À vrai dire, on s’en fout, lui a répondu Quentin.
-…Très bien.
Il nous a donc emmenés dans son bureau et nous lui avons raconté en détail tout ce qui s’était passé. Le seigneur nous a écoutés avec tant d’attention, les sparkles brillant dans ses yeux que c’en était mignon. Il a bu chacune de nos paroles, encore plus quand nous racontions les moments plus dangereux : moi qui me faisais entraîner sous terre, Maël et Sakurako qui m’ont suivie, les bibittes mauves, l’arbre qui a failli nous manger, moi qui parlait à ma boucle d’oreille… Le seigneur McGregor avait l’air d’un jeune garçon qui adorait les récits d’aventures. Ses yeux nous disaient «Encore! Plus de détails!». Il fut un auditeur très attentif.

Par la suite, il nous a remis la power source (Takeo l’a prise) et il nous a demandé ce que nous voulions comme dédommagement. Chacun a demandé quelque chose de différent : Takeo ne voulait rien, Sakurako voulaient des potions alors le seigneur lui a fait une lettre cachetée à donner au propriétaire du magasin de potions, Maël voulait qu’ils s’occupent de son cheval, Biloss voulait de l’argent en échange des tissus qu’il avait dans son sac, mais il n’a accepté que la valeur exacte des tissus. Quand le seigneur s’est tourné vers moi, je me suis sentie gênée de lui demander quoi que ce soit. Il s’était montré si gentil et accueillant envers nous.
-…Je pense que de l’argent serait ce qu’il y a de plus pratique, mais après votre accueil, je me sentirais gênée de vous en demander…
-Accepteriez-vous la part qu’il n’a pas prise? M’a-t-il demandé, en pointant Biloss.
(…Mais ça fait 50 po?)
-C’est très généreux de votre part, merci.

J’aurais bien voulu aller magasiner tout de suite, mais Sakurako préférait passer la nuit ici et repartir demain. J’ai dormi dans un lit si confortable que je n’ai pas eu envie de me lever le lendemain matin. Une fois tout le monde debout et rassasié, nous avons dit au revoir au seigneur (je l’ai remercié une autre fois pour son hospitalité) et nous sommes partis en ville. Au magasin de potions, Sakurako a fait une véritable razzia. Je ne sais pas ce que la lettre du seigneur disait, mais elle a pu prendre tout ce qu’elle voulait. Je crois qu’elle a vidé au complet le stock de potions rouges, elfiques et antipoison. Nous avons ensuite traversé la rue pour aller au magasin général. Pendant que tout le monde faisait ses achats, j’ai traîné Quentin à l’écart.
-Il y a un problème? M’a-t-elle demandé.
-Euh, non. Je voudrais juste savoir ce que ton frère aimerait.
-Ce qu’il aimerait? La paix, s’établir…
-Euh… ça ne s’achète pas ça.
-Il fallait être plus précise. Faites-vous jolie, ça lui fera plaisir.
-…Je crois que j’ai quelque chose pour ça dans mon sac.
(Mais je ne me sens pas prête à les utiliser.)
-C’est bien.
-…
(Mais quand même, juste ça? Il n’y aurait pas quelque chose de plus tangible que je pourrais lui donner?)
-Si vous lui achetez un vêtement ou une arme, ça va l’insultez.
-…D’accord.
(Je ne pensais pas qu’il était vieux jeu. Une chance que j’ai demandé à Quentin avant.)
-Et puis de toute façon, si vous lui achetez quelque chose, vous risquez de le briser ou de le perdre d’ici à ce qu’on le retrouve.
-…C’est un fait.
-Alors sérieusement, faites-vous jolie, restez en santé, ne perdez pas de morceaux. Ça, ça lui fera plaisir.
-D’accord, merci.

Me faire jolie? Je suppose que je pourrais m’acheter une jolie robe avec des souliers assortis et quand je le retrouverai, je m’habillerai comme ça et on pourrait sortir? Si c’est ce qui lui fait plaisir… Mais avant tout, direction Harlequin. J’étais due pour m’acheter une nouveau livre. Je me suis laissée tenter par un mauve parce que je n’en avais jamais lu. Mais ils avaient l’air un peu plus osés que les autres, alors ça m’a gênée d’en prendre un. Je l’ai donc serré contre moi et j’ai couru dans la rangée des robes. Bon… Quelque chose de mignon qui plaira à François… Pourquoi pas celle-là? Elle était à peu près bleue comme mes yeux, avec des bretelles, un petit décolleté et elle n’était pas trop courte (en haut des genoux). J’ai pu facilement trouver des souliers qui allaient avec. J’espère qu’il aimera. Je suis allée prendre quelques rations et j’ai payé le tout.

Quand nous sommes retournés au airship, nous avons trouvé le bateau repatché avec les moyens du bord et le capitaine soûl (encore) avec une douzaine de bouteilles à côté de lui. Il les sort d’où? Ça n’a pas eu l’air de plaire beaucoup à Maël. Elle saura s’en occuper. Si j’ai bien compris, nous en avions pour trois semaines jusqu’à ce que nous arrivions à Tashkali. Je me demande comment je vais passer le temps? Il va y avoir les cours d’étiquette avec Quentin (si elle veut bien m’en donner), des pratiques de violon et de chant, de la lecture… Il faudra aussi que je m’entraîne avec mes armes. Comme ça, quand on retrouvera François, je serai prête à me battre. J’espère juste ne pas arriver trop tard…