Cher journal,
Les trois semaines de voyage se sont déroulées dans le plus grand calme. Comme je le lui avais demandé, Quentin est venue me trouver pour m’apprendre l’étiquette.
Toc, toc.
Quand j’ai ouvert la porte, j’ai eu l’agréable surprise de voir Quentin.
-C’est prêt, m’a-t-elle dit.
-C’est prêt…?
(Je me demandais bien de quoi elle pouvait parler.)
-Oui. À moins que vous ne vouliez apprendre ça en regardant dans un miroir?
-…Oh! Non.
(J’avais presqu’oublié que je lui avais demandé de m’apprendre l’étiquette. Ça n’avait pas eu l’air de lui tenter plus que ça quand je lui en avais fait la demande, alors je me disais qu’il fallait peut-être que j’oublie ça.)
-Alors on y va?
-Ok!
-Et… Biloss voudrait savoir si vous avez quelque à François…
Elle a fait une drôle de face en me demandant ça. Euh… Ça serait mal si j’avais quelque chose à François?
-Euh… Je vais vérifier…
J’ai fouillé dans mes affaires et tout ce que j’ai trouvé qui me reliait à François était la robe qu’il m’avait donnée avec le mot qui l’accompagnait «Se promener en ville avec des habits de voyage, c’est laid». Ce n’était pas très romantique, mais c’était tout de même écrit par lui alors ça me faisait plaisir de l’avoir en ma possession.
-J’ai ce mot écrit par lui, c’est tout. Tu crois qu’il va me le redonner après?
-Sans doute. Il faudra lui demander.
-Ok! On peut y aller!
Sur le pont, Quentin avait installé une table recouverte d’une nappe, avec dessus plusieurs ustensiles, assiettes, bols, verres… Euh… C’est quoi tout ça? Un de chaque c’est suffisant, non? Enfin… Je savais qu’il pouvait y en avoir quelques exemplaires de chaque, mais à ce point-là? Et c’est censé être juste la base de l’étiquette?
-Supposez que je suis un homme, m’a dit Quentin.
-…D’accord.
-Quand vous êtes avec un homme, vous ne devez pas vous assoir. Vous le laissez tirer votre chaise.
-D’accord.
Elle a tiré ma chaise et je me suis assise.
-Et vous ne devez pas rapprocher votre chaise de la table. Vous le laissez faire.
-Ok.
Elle a eu un peu de difficulté à pousser ma chaise alors j’ai essayé de lui faciliter la tâche en me levant de quelques centimètres.
Je m’attendais à des tâches plutôt simples, mais ce que Quentin me montra fut plutôt compliqué. Elle m’expliqua dans quel ordre il fallait se servir des ustensiles, avec quels couverts, avec quels verres… Une fourchette, un couteau, une cuillère, une assiette, un bol et un verre. Il me semble que ça serait suffisant, non? Je suis toute mélangée…
-Vous allez vous en sortir? m’a demandé Quentin.
-…Je crois. Ça va juste me prendre du temps.
(Ça a l’air compliqué maintenant, mais je sais qu’avec un peu de pratique j’arriverai à me souvenir de tout.)
-On continuera demain.
-Ok.
-Et on a trois semaines de voyage. À moins que vous ne vouliez qu’apprendre les manières de table?
-Je prendrai tout ce que tu voudras m’apprendre.
(Tu es assez gentille pour prendre de ton temps pour m’apprendre tout ça, alors si tu es prête à m’en apprendre plus, je ne dirai pas non.)
-Il y a différentes manières de saluer, de tousser, la danse…
-…Il y a différentes manières de tousser?
-C’est une façon de parler.
(Et moi qui étais en train de me dire que si on toussait de telle manière ça pouvait être pris comme une insulte.)
-…Ok. Comme je t’ai dit, je vais prendre tout ce que tu voudras m’apprendre.
-Quand je ne serai pas occupée à m’assoir dans le cercle de Biloss…
-…Hein?
-C’est ce qu’il a dessiné là-bas. C’est pour retrouver François.
-…OK.
Après cette première leçon, je suis allée voir Biloss pour lui montrer le mot que François m’avait écrit.
-Ça pourrait être utile? lui aie-je demandé.
-En fait, je me rends compte que je n’étais pas sur le bon chemin, alors je vais essayer autre chose.
-Si jamais tu en as besoin, tu pourras me le redonner après?
-Bien sûr. Il va juste être un peu froissé.
-Pas de problème! Et je voulais te dire que je t’appuie entièrement dans ta démarche.
-Je dois comprendre que tu veux beaucoup retrouver François.
-…Ben quoi?
(C’est vrai… Ma remarque manquait peut-être un peu de naturel, mais je tiens beaucoup à François et j’ai vraiment très hâte de le retrouver.)
Je n’ai finalement pas eu beaucoup de temps libre, étant avec Quentin le plus souvent. En plus de tous les petits détails relatifs à l’étiquette, Quentin m’a montré les bases de la danse. Je dois avouer que j’étais un peu craintive face à ça, mes compétences en la matière étant relativement nulles.
-Vous savez danser au moins? m’a demandé Quentin.
-Euh… Et bien… J’ai quelques bases que ton frère m’a apprises, mais c’est tout.
-…D’accord.
(Désolée. Je dois paraître un peu pathétique, non? Une noble qui ne connaît pas l’étiquette et qui ne sait pas danser… C’est pour ça que je veux me reprendre. Comme ça, je saurai me conduire peu importe les circonstances… et je ne ferai pas honte à François quand nous sortirons ensemble…)
Quentin a été une professeure des plus patientes, m’expliquant et me répétant gentiment si nécessaire comment je devais me placer, comment je devais bouger… Ça a été plutôt agréable en fin de compte. Ça a plus été une activité qu’une leçon. C’est fou comment notre état d’esprit peut changer notre perception d’une situation. Quand j’étais chez moi, je fuyais ces leçons comme la peste parce que je m’y sentais obligée par mes parents. Mais là, je le fais parce que je le veux bien et je trouve ça plutôt amusant. Nous avons été rejoints quelques fois dans nos leçons de danse par Biloss et Sakurako. Comme Sakurako était trop petite pour Biloss, nous avons fait un échange de partenaire. Biloss s’en est plutôt bien tiré. Après une de ces leçons, Sakurako m’a demandé si je pouvais transformer ma boucle d’oreille en dragon, car elle voulait lui parler. J’ai donc demandé au dragon de se matérialiser devant nous, ce qu’il a fait aussitôt. Il était toujours aussi mignon. Quand on lui grattait derrière les oreilles ou qu’on lui patait la tête, il se frottait contre nous comme un gros chat. Il était mignon, mais il s’exprimait de façon plutôt étrange.
Quand Sakurako lui a demandé comme il avait manipulé l’eau lors de notre combat, il s’est entêté à dire que ce n’était pas lui qui avait agi et il me regardait ensuite.
-Hein? Moi? Je n’ai pas ce pouvoir-là…
-Mais c’était toi!
-…Avec toi.
-Oui!
Quand Sakurako lui a demandé comment il avait fait, il n’a pas répondu. Quand je lui ai demandé la même chose, il m’a répondu qu’il pouvait le faire, mais qu’il ne le ferait pas. C’est comme s’il était non pas stupide, mais qu’il commençait une idée sans la terminer. Mais il est mignon, alors je lui pardonne. J’aurais préféré qu’il redevienne une boucle d’oreille une fois la discussion terminée, mais il n’a pas voulu. J’espère que Takeo ne nous en voudra pas… En tout cas, il devrait s’en rendre compte bien assez tôt, surtout avec les «Takeooooo» que le petit dragon se faisait un plaisir de dire.
Toujours sous la direction de Quentin, j’ai dansé plusieurs fois avec Biloss. Quant à Sakurako, elle s’est une fois jointe à nous avec le dragon pour partenaire. C’était assez fascinant (et perturbant) de voir le dragon la diriger comme s’il connaissait tous les pas de danse à la perfection. Quentin a aussi initié Kikuchi aux danses de notre monde. Le petit dragon étant toujours là, il s’est amusé à dire «Kikuchiiiii» et «Bilooossss». Ce n’était pas aussi amusant que «Takeooooo», mais tout de même.
J’ai aussi eu l’occasion de passer un peu de temps en tête à tête avec Sakurako, à nous brosser les cheveux et à nous faire des tresses. J’ai alors eu l’idée d’aller rendre visite à Quentin. Avec la vie qu’elle menait, je ne crois pas qu’elle avait eu souvent l’occasion de faire ce genre de choses avec des amies de filles. Quand elle a ouvert sa porte, elle a regardé les brosses et les rubans sans comprendre. Quand elle nous a dit qu’elle n’avait jamais passé de tels moments, je n’ai pas été surprise. Je ne sais pas si ça a eu l’occasion de nous rapprocher, mais je me suis beaucoup amusée. Les talents artistiques de Quentin laissaient parfois à désirer, mais elle nous a expliqué que c’était parce que c’était son frère qui s’occupait de ce genre de choses habituellement. Ça, ça m’a surprise, car François ne m’avait pas semblé très doué non plus pour faire des tresses. Parlant de François, Sakurako a profité de l’occasion pour redire qu’elle ne l’appréciait pas beaucoup parce qu’il était beaucoup «moi, moi, moi». Euh… Je ne trouve pas, non. Il peut se montrer très attentionné. Quentin a d’ailleurs dit que ce que son frère désirait, c’était s’établir et avoir des enfants, s’il trouvait la bonne personne. Je ne sais pas si c’est moi qu’elle visait par cette remarque, mais ça m’a gênée. C’est parce qu’on n’est pas encore rendus là… Sakurako et moi avons aussi perturbé Quentin quand nous lui avons appris que nous étions parties de chez nous et que nos parents étaient toujours en vie. Notre décision a dû lui paraître bien égoïste, elle qui donnerait sans doute n’importe quoi pour que ses parents soient toujours de ce monde. Je n’ai pas expliqué pourquoi j’étais partie, mais Sakurako a fini par le faire. Ses parents avaient voulu la forcer à se marier alors elle s’était enfuie. Ça peut expliquer pourquoi elle détonne autant avec le décor.
Au bout de trois semaines, le toujours soûl capitaine nous a dit que nous étions arrivés à destination. Enfin, façon de parler, car nous nous trouvions aux pieds des montagnes dans lesquelles se trouvaient notre destination finale ainsi que la ville des deux petits drows, qui était sur le chemin. Notre première tâche était donc d’aller les reconduire. Je dois avouer que ça ne me tentait pas du tout. Moi, une elfe, dans une ville de drows? Non, merci. Le plus loin possible je pourrai être de cet endroit, le mieux je me porterai. Quand nous nous sommes mis en route, c’était l’aube et il y avait beaucoup de brume. Biloss a demandé au dragon s’il pouvait enlever la brume avec mon aide.
-Peut-être!
-Tu pourrais le faire, s’il te plaît? lui aie-je demandé.
-Peut-être!
-Ok…Qu’est-ce que tu voudrais en échange?
-Une faveur en réserve!
-Euh… Je ne crois pas que ce soit une bonne idée…
(M’embarquer dans ce genre de transaction serait beaucoup trop risqué.)
-Alors je ne peux pas? m’a-t-il demandé.
Il m’a fait l’attaque ultime des yeux de chien battu et je me suis sentie incapable de lui résister.
-Oh… Ok! Mais je ne tue personne!
-Non, non!
Il s’est éloigné un peu et à travers la brume, nous avons vu une forme grossir puis rapetisser et le brouillard autour de nous s’est dispersé. J’étais très contente qu’il nous donne ce coup de main, mais j’espère seulement que je ne me suis pas embarquée dans quelque chose que je vais regretter. À la prochaine pause, je pense que je vais clarifier les choses avec lui, pour être certaine qu’il n’y aura pas de malentendu. Je ne tue personne, je n’aide pas de façon directe ou indirecte à tuer quelqu’un et je me refuse à faire du mal à mes compagnons, surtout à François et à Quentin. Sur le chemin menant jusqu’à la montagne, j’ai entendu Maël expliquer à Sakurako les rudiments du pistage. C’est un sujet qui ne m’intéresse pas vraiment, même si je sais qu’il peut être utile, mais quand je l’ai entendu dire que ces grosses marques sur les parois devraient lui mettre la puce à l’oreille et que ce n’était pas normal d’entendre un chant de hibou comme nous étions en plein jour, je me suis mise à chanter pour booster mes compagnons. Arrivés aux pieds des montagnes, une créature que je n’avais jamais vue auparavant est apparue devant nous. Elle (il?) avait des ailes, un bec et quatre pattes avec des griffes qui me semblaient assez acérées. Elle (il?) nous a dit que l’accès aux montagnes était interdit. Si nous voulions passer, nous n’aurions donc pas le choix de nous battre. Pourquoi est-ce que le drapeau blanc ne fonctionne jamais?
Apres 19 mois d'absence.... QUOTES!
Il y a 7 mois
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