mercredi 2 mars 2011

Je vais mourir

On peut décréter et ressentir sa mort, sans attenter à sa vie. La mort est un état d'âme.


Je viens de la ville d’Idrazz’il. J’y ai vécu toute ma vie jusqu’à il y a quelques années. Ma vie n’a rien d’extraordinaire : je suis une simple barde qui chante et qui joue du violon.

Je m’appelle Leila. Je n’ai que 121 ans et je vais mourir.

Et qu’est-ce que j’aurai réussi à accomplir?

J’ai fait tuer deux de mes trois meilleurs amis, dont l’homme que j’aimais.

J’ai complètement failé mon patron.

Je me suis promenée comme une conne pendant 23 jours dans la forêt… dans la mauvaise direction.

J’ai entraîné deux innocents dans une histoire qui ne les concernait pas.

Quant à mes émotions, n’en parlons même pas. J’ai l’impression de ne plus rien ressentir à part la colère, la tristesse et un immense vide. Je pensais en avoir fini avec la peur, mais Henryk 2 me l’a rappelé assez rapidement en faisant des allusions subtiles aux tortures que j’avais subites. Je ne sais pas comment il sait, mais il sait. Et moi je sais que je ne passerai pas au travers d’une autre séance. Comment le pourrais-je? Je n’ai plus aucune motivation. Je souhaite la mort depuis des mois, mais j’aurais au moins voulu qu’elle serve à quelque chose. Inutile jusqu’au bout…

Pour l’instant, je suis enfermée dans un cachot. J’ai pour seule compagnie les cris que François pousse sous la torture. J’aimerais ne pas les entendre, mais plus j’essaie de ne pas y penser et plus je n’entends que ça.

Henryk 2 est complètement malade. Je n’aimais plus particulièrement Henryk 1, mais après avoir parlé avec le deuxième, sa cote a légèrement remonté.

Henryk 2 (il n’aime pas se faire appeler «2») a d’abord lancé des sous-entendus comme quoi Mirun’lle avait fait un sacrifice pour pouvoir me parler. J’avais refusé, parce que je pensais qu’Henryk 2 voulait discuter seul avec moi.

Avec ce qu’il a dit après, j’ai eu une bonne idée de ce que ce sacrifice pouvait être. Il a dit à plusieurs reprises qu’il aimait porter les elfes et parlant de Mirun’lle, qu’il ne se rappelait pas des filles avec qui il baisait. Très vulgaire, mais on ne peu plus clair. Il a même osé me dire qu’il aimait bien Ruby, surtout dans une chambre à coucher.

Je ne sais pas s’il dit vrai. A-t-il touché Mirun’lle? Ou Ruby?

Il a aussi fait allusion à Mill et à Uvi, sans les nommer. Moi j’ai repensé au livre de musique d’Uvi. Quentin avait dit qu’il contenait de la très belle poésie. J’aurais voulu prendre le temps de le feuilleter d’un bout à l’autre, mais il est maintenant trop tard. C’est une autre partie de moi qui s’envole…

Henryk 2 m’a laissé 1 heure pour trouver des insultes à lui lancer. Euh… À part «fils de pute» et «salopard»… François m’a donné quelques idées, me suggérant même de lui cracher dessus. Euh… Je ne suis pas certaine que je vais être capable d’être convaincante…

Le seul point positif de cette heure de répit, c’est que François m’a fait rire, en me faisait imaginer Henryk en déshabillé rose et en talons hauts. Ça a certainement détendu l’atmosphère, mais pas assez longtemps et pas assez pour chasser toutes mes inquiétudes.

Je ne me suis pas montrée à la hauteur des attentes d’Henryk 2, alors il a décidé qu’il allait me faire entendre de la musique pour me motiver. Après ça, je pourrais lui demander jusqu’à trois choses et en échange de chacune, je devrais proposer quelque chose. Avant de partir, il m’a rappelé qu’il adorait porter les elfes.

J’entends les cris de François depuis bientôt une heure. Le délai s’est presqu’écoulé et moi je vais mourir bientôt. J’en suis maintenant convaincue, parce que la seule chose que je pourrais lui donner, je ne peux pas me résoudre à le faire. Je ne peux pas non plus lui promettre mon âme ou ma vie, ça me mettrait au même niveau que Mill et Uvi.

Je crois que François a raison. Henryk veut quelque chose de moi et je dois lui donner pour qu’il puisse l’avoir. Mais je ne veux pas et surtout, ne peux pas conclure de marché avec lui, parce que je suis certaine que je me ferais avoir.

Quand il constatera mon refus, il va probablement me torturer et vu ce qu’il a sous-entendu, aussi me violer. Les instants précédant ma mort seront horribles et ma mort le sera plus encore.

La porte de la prison s’ouvre.

C’est François qui est ramené. Il est couvert de sang, mais il est en vie.

Le délai est presque passé. Ce sera bientôt à mon tour.


Je m’appelle Leila. Je n’ai que 121 ans et je vais mourir.